Conférenciers invités

Jean-Jacques SALONE

Bien que la contextualisation des enseignements dans les territoires francophones soit depuis plusieurs décennies un enjeu éducatif majeur, de nombreuses questions sont encore à l’étude dans la cadre de la recherche/action en sciences de l’éducation : Que recouvre la notion même de contexte? Quels sont les bénéfices induits par la contextualisation des d’enseignements? Comment les enseignants sont-ils formés à des pratiques culturellement inclusives? Dans notre conférence nous présenterons en préambule les axes de recherche que nous avons retenus pour notre réseau RIICLAS, dégageant ainsi quelques invariants relatifs aux spécificités et aux besoins de nos territoires et qui constitueront un argumentaire en faveur d’une forte prise en compte des contextes locaux. Un modèle systémique nous permettra ensuite de mieux cerner ce que pourrait être, pour une institution didactique donnée, une conceptualisation pertinente des notions de contexte et de contextualisation. Enfin nous conclurons par la présentation d’un dispositif de formation initiale des enseignants que nous expérimentons à Mayotte depuis 2017 et dont les effets positifs impactent la société locale dans son ensemble.

Edwige CHIROUTER

L'enfant, la philosophie et la littérature

La pratique de la philosophie avec les enfants se développe depuis plus de quarante ans partout dans le monde. Inscrite dans la lignée des travaux de J. Dewey, du pragmatisme et d’une défense des pédagogies du problème et de l’enquête, elle développe des habiletés de pensée et des qualités humaines qui sont au cœur même du projet scolaire : le développement de l’esprit critique, l’éducation à la citoyenneté, mais aussi une éthique de la relation à soi et aux autres. La Communauté de Recherche Philosophique donnerait aussi ainsi le modèle de ce que pourrait être l’école au quotidien : une « oasis» (H. Arendt) où se forge par l’action de penser ensemble l’exigence intellectuelle, le doute, l’acceptation de la vulnérabilité, et une éthique relationnelle.

La conférence interrogera les enjeux politique de cette pratique à l’école et proposera un dispositif particulier à partir de la médiation de la littérature . Car la littérature et la philosophie ont la même fonction : dire et penser le monde pour nous permettre de donner du sens à la condition humaine. La fiction – cet immense « laboratoire de l’imaginaire » (P. Ricoeur) - nous permet d’expérimenter une multiplicité d'expériences et de mondes possibles, nous propose des dilemmes, nous fait vivre par procuration et éveille nos affects, tout en les plaçant à bonne distance à travers les personnages.

Nous présenterons les résultats d'une recherche menée dans le cadre de la Chaire UNESCO sur la philosophie avec les enfants qui met à l'épreuve ce lien profond entre l'enfant, la littérature et la philosophie.

Isabelle Nocus,

Bilinguisme et bilittéracie des enfants dans différents contextes multilingues

Bien des parents et des professionnels (enseignants, psychologues ou orthophonistes) pensent qu’apprendre à parler, à lire et à écrire dans deux langues peut aboutir à un déficit scolaire du fait de la surcharge cognitive et des risques de confusions liés à la manipulation des deux codes. Ainsi, certains bilingues abandonnent ou sont tentés d’abandonner l’une des deux langues, souvent la langue première, dans les échanges avec leurs enfants, au profit de la langue de l’école. Or, toutes les données scientifiques récentes tendent à montrer que le bilinguisme est un atout plus qu’un handicap. Toutefois, ces résultats positifs concernent le plus souvent des contextes anglophones et ne sont pas directement transposables en contexte francophone. S’appuyant sur les résultats de nos travaux menés en Océanie (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) et dans d’autres territoires (Guyane, Haïti, Bénin, Burundi, Burkina Faso, Cameroun, Mali, Niger, RD Congo et Sénégal), cette communication traitera du développement bilingue et de l’impact de dispositifs pédagogiques qui valorisent les langues d’origine. Nous nous focaliserons sur le langage oral du bilingue, la bilittéracie et une notion centrale qui justifie l’intérêt d’utiliser plusieurs langues : les effets de transferts interlangues. Par ailleurs, la place des pratiques linguistiques familiales et les attitudes linguistiques des enfants vis à vis des langues seront également interrogées. Enfin, la dernière partie présentera quelques pistes de recherches pour l’avenir dans deux domaines encore peu explorés et qui s’inscrivent dans les enjeux pour l’éducation et la formation du XXIe siècle : le bien-être subjectif, d’une part, et la créativité, d’autre part. Ces enjeux tiennent à l’évolution des objectifs des systèmes éducatifs, longtemps centrés sur les performances des élèves, qui ont progressivement pris en compte des objectifs plus larges afin de tenir compte des évolutions économiques, technologiques et sociales de ces dernières décennies, tant en matière de compétences nécessaires que des aspirations des personnes et de leur épanouissement.

Loïc Pulido

Université du Québec à Chicoutimi

Alain Mougniotte

• évaluer la validité des savoirs acquis en ce domaine et mettre en garde contre certaines illusions néopositivistes ;
• élucider la signification, pas toujours perçue, des théories ou des mesures qui en traitent ;
• discerner les évolutions qui s 'esquissent à son propos ;
• réfléchir sur cette situation spécifiquement humaine : avoir besoin d'éducation et pouvoir en profiter"

Pierre-Eric Fageol

Contextualiser et/ou adapter son enseignement dans les outre-mers : héritages et évolutions sémantiques

Enseigner, a fortiori lorsqu’on enseigne en contexte ultramarin, oblige de fait à mettre en place un enseignement contextualisé. Dans les différents territoires qui composent l’outre-mer français, le défi majeur est d’adapter l’enseignement en tenant compte des « spécificités locales » et des attentes propres aux populations de ces territoires. Le terme même d’adaptation, déjà utilisé à l’époque coloniale et repris dans les adaptations de programmes actuelles, s’avère polysémique. La contextualisation a souvent été réduite à une adaptation des contenus d’enseignement. S’il y a bien un art d’adapter, celui-ci relève le plus souvent d’une contextualisation faible qui ne prend pas véritablement en compte le point de vue des acteurs ni les méthodes pour y parvenir. À travers une approche contrastive depuis les années 1930, il s’agit d’expliciter les formes de contextualisation curriculaire et de saisir les conceptions implicites qui entrent en jeu dans l’enseignement notamment de l’histoire-géographie en contexte ultramarin. Au-delà des considérations purement lexicales (adapter ou contextualiser ?), une approche contrastive dans le temps suppose de tenir compte de processus historiques qui contribuent à ajuster le sens des mots dans des pratiques sociales complexes par lesquelles transite la production de sens. Les notions de contexte et d’adaptation diffèrent en situation coloniale et postcoloniale. C’est tout l’intérêt de la portée heuristique de l’histoire en ce qu’elle permet de faire sens des différences et des écarts avec le présent.

Marie-France Carnus

Pas de Savoir sans Sujet dans les institutions didactiques. L'éclairage de la didactique clinique

Depuis son émergence en 2001, la didactique clinique traite de la part fondamentale que prend le Sujet (enseignant, éducateur, formateur, élève, étudiant, formé) dans les phénomènes didactiques. Ce qui se joue dans la relation didactique en termes d’enjeux de Savoir est analysé au filtre d’une théorie du sujet divisé par son inconscient, assujetti par les institutions et irréductiblement singulier dont le cas est examiné et construit par le chercheur grâce à une méthodologie originale en trois temps : le déjà-là, l’épreuve et l’après-coup. Cette double focale Savoir et Sujet caractérise les travaux de l’EDiC et permet de porter un autre regard sur les phénomènes didactiques. Elle ouvre des perspectives heuristiques pour la formation des professionnels de l’enseignement, de l’éducation et de la formation. Initialement issus du le champ de l’EPS en France, les chercheurs didacticiens cliniciens appartiennent aujourd’hui à plusieurs nationalités (Tunisie, Canada, Belgique) et leurs entrées disciplinaires se sont diversifiées au cours de ces cinq dernières années (EPS, français, mathématiques, éducation à la santé, polyvalence, hôtellerie – restauration, sciences et techniques médicosociales, numérique). De plus, les investigations se sont ouvertes à différentes institutions didactiques : le second degré, le premier degré, le monde fédéral, l’enseignement spécialisé, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle initiale et continue des enseignants, l’inspection académique.

À la croisée de la recherche en didactique des disciplines et d’une clinique du sujet d’orientation psychanalytique, la didactique clinique revisite la ternarité constitutive du didactique. À travers la prise en compte des influences extérieures – notamment institutionnelles - et des facteurs internes propres au sujet, la didactique clinique s’empare de la logique énigmatique du Sujet pour rendre compte de ce qui s’enseigne et ce qui s’apprend en situation didactique. Elle s’appuie sur une théorie du sujet pris dans le didactique qui intègre la dimension de l’inconscient et mobilise un appareillage méthodologique qualitatif en trois temps pour construire le cas. La focale de l’investigation scientifique en didactique clinique est l’articulation entre Savoir et Sujet.

 L’objet de cette conférence sera de présenter la didactique clinique, de retracer sa genèse, de circonscrire son champ et ses orientations scientifiques (théoriques, conceptuelles et méthodologiques), d’évoquer certains travaux récents et de pointer les questions actuellement en débat au regard des défis à relever en recherche comme en formation.

Eric MARGNES

Comment peut-on concevoir la formation de la personne et du citoyen à l’école voire à l’université ? Comment être un élève citoyen en cours ? Après avoir différencié les notions de citoyenneté abstraite, située, plurielle, etc., nous effectuerons un bref rappel historique permettant de mieux comprendre le lien entre citoyenneté et laïcité à la française ou encore entre citoyenneté et grandes valeurs démocratiques de notre société. Nous aborderons ensuite la place de la citoyenneté dans les programmes et nous donnerons des traductions concrètes d’un comportement citoyen dans les différentes disciplines scolaires ; enfin, nous aborderons la question des stratégies pédagogiques opportunes.